Marie ou la randonnée solitaire : 700km à pied, sa tente et son chapeau. | On Part Quand ?

Partir marcher seul quand on est une fille c’est possible : Marie nous raconte sa randonnée solitaire.

Bonjour ! Je m’appelle Marie. J’ai été diplômée au début de l’été et je viens d’avoir 26 ans. J’adore être dehors, le dessin et la photo ainsi que les bizarreries de la nature (les siamois, les moutons à cinq pattes…). Par contre, je ne suis vraiment pas ce qu’on pourrait appeler une fille sportive : les soirs de déprime, j’aime manger un paquet de TUCs entiers que je passe au micro-onde avec du camembert pour qu’il fonde. Pourtant, j’ai parfois des idées farfelues qui me traversent la tête comme « tiens, et si je partais marcher seule pendant un mois ? ».

Aujourd’hui sur le blog, nous vous proposons un article un peu différent. Nous avions déjà accueilli Marion qui nous avait parlé du Maroc, aujourd’hui nous vous présentons Marie qui a décidé de partir seule pour une longue marche en France. Retour sur cette expérience extraordinaire.

marcher seule

Un jour, alors que j’actualise mon fil Facebook, je me rend compte que « Mademoiselle Bambelle » annonce son « départ à l’aventure ». Mais quelle aventure? Et bien Marie a tout simplement eu envie de partir de Royan pour rejoindre Limoges, seule et à pied avec comme seuls compagnons son sac et son chapeau ! Rien que ça ! Bref, vous vous en doutez, cette histoire nous a intrigué donc j’ai décidé de l’interviewer et c’est avec plaisir qu’elle a répondu en détail à nos questions.

D’ailleurs elle y a tellement bien répondu que l’article est plutôt long (3 pages) ! Du coup, pour vous aider dans votre lecture, voici un mini sommaire. (Comme ça, si vous deviez quitter la page avant la fin de l’article, vous pourriez vous y retrouver super facilement ! Ne me remerciez pas 😉 )

Sommaire

Partie 1 : La (non-) préparation de Marie

Partie 2 : La randonnée en solo : une histoire philosophique mais surtout physique

Partie 3 : L’arrivée et les quatre meilleurs conseils aux futures randonneuses


I – Avant le départ en randonnée seule

Peux-tu nous expliquer quel était ton projet et l’itinéraire exact ?

Le projet, pour moi, c’était de partir seule et d’avoir une activité physique intense, vraiment intense. C’est pour ça que j’ai choisi la marche et le camping. Je voulais m’épuiser, porter mon sac lourd (entre 15 et 17kg), marcher 20/25 km par jour, avoir froid la nuit. En gros, atteindre mes limites physiques et les repousser. Une seule chose était vraiment fixe : la durée. Un mois entre le 1er septembre et le 1er octobre.

J’ai décidé de la période pour plusieurs raisons :

D’abord parce que je viens de terminer mes études et que je n’ai pas encore de travail, ce qui m’a permis de partir l’esprit libre et de ne pas me mettre la pression pour le retour (si je dépassais de quelques jours par exemple).

Ensuite parce qu’il me semble que la meilleure période pour marcher seul, c’est septembre-octobre. C’est la fin de l’été, les grosses chaleurs sont passées mais il fait encore bon et beau. Les foules de vacanciers sont rentrées donc on n’est pas ennuyé toutes les deux minutes (l’aspect solitude était très important pour moi).

Je n’avais pas vraiment défini d’itinéraire exact. Tout ce que je voulais, c’était partir. Par contre, j’avais juste établi des points de passage chez des amis que je voulais voir : Dax, Bayonne, Condom, Agen. La fin du périple était prévue à Limoges.

Quand as-tu décidé de te lancer dans cette grande randonnée solitaire ?

12162800_10153253083213736_801880694_oJ’ai eu une année très difficile moralement et je sentais que partir devenait vital. L’idée me trottait donc dans la tête depuis le mois d’avril environ, mais sous forme de « ah, ça serait tellement bien si je pouvais partir marcher toute seule… », « ils ont de la chance les gens qui font ça… » en me disant que ça ne serait jamais possible, que je n’avais pas le temps, etc.. Sauf que j’ai réalisé que RIEN ne m’empêchait de partir à l’automne, que rien ne me retenait sauf les limites que je me mettais toute seule (« tu ferais mieux de chercher du boulot », « c’est un caprice d’enfant gâtée »…)

J’ai eu en plus la chance de tomber sur un bouquin qui m’a vraiment donné envie de partir : Longue marche, écrit par Bernard Ollivier. L’auteur y raconte sa marche le long de la route de la soie à pied, soit 3000km. C’est un livre que je conseille à tous ceux qui ont envie de se lancer et de partir marcher. Il donne un aperçu réaliste sur ce qu’est réellement de marcher (la peau à vif à cause du sac à dos, la difficulté de boire…) et m’a permis de savoir à quoi m’attendre sur la route.

Quelle a été ton organisation d’avant départ pour cette randonnée ?

On va dire que je n’ai pas fait les choses dans l’ordre. Je suis quelqu’un d’assez bordélique, il faut bien l’avouer et je n’ai eu AUCUNE organisation avant le départ. J’ai fait mes derniers achats (comme par exemple DES CHAUSSURES DE MARCHE hahaha !) la veille du départ, j’ai arrêté mon itinéraire deux jours avant et ai fini de faire mon sac à 4h du matin le jour où je devais partir (j’ai donc dormi 2h la nuit précédant mon premier jour de marche). Donc en gros, la seule chose que j’avais faite, c’est de taper « quoi mettre dans son sac à dos pour une longue randonnée ». Je vous conseille le site Randonner-malin.com. J’y ai trouvé une super liste à cocher grâce à laquelle il ne m’a rien manqué de vital pendant ce mois de voyage ! Si vous êtes du type stressé, ne faites pas comme moi, honnêtement, c’est mon fonctionnement de tout faire à la dernière minute mais je ne le conseille à personne.

Pourquoi as-tu voulu te lancer dans cette aventure et partir seule en randonnée ?

Il y a plein de raisons qui m’ont poussé à réaliser ce voyage dans ces conditions.

La première était que j’avais envie d’avoir du temps, chose qui m’a manqué durant les 8 dernières années où j’ai fait mes études et où je n’ai jamais eu de vraies vacances pour cause de déménagement à organiser, de dossiers d’inscription à remplir ou tout simplement de devoir à rédiger chez soi pour les cours. Avoir du temps donc, pour dessiner, prendre des photos, me vider la tête, penser à mon futur, à ce que je voulais faire maintenant. Avoir du temps pour être seule. J’insiste beaucoup sur l’aspect solitude parce qu’il a été important pour moi. Il m’a permis de passer un mois à mon propre rythme, à être seule à décider de ce que je faisais, à quelle heure et de quelle manière. Et ça, c’était sacrément le pied.

Le deuxième raison qui m’a poussée à partir est mon esprit de contradiction, mon entêtement et ma profonde conviction féministe. Je sais que c’est plus ou moins mal vu ces temps-ci de se dire féministe, mais c’est quelque chose qui occupe mes réflexions quotidiennes.

J’ai voulu le faire pour prouver à tout le monde qu’ils avaient tort et pour rendre le terrain plus sûr pour les suivantes.

randonnée-solitaire-1Je ne parle pas du féminisme militant, agressif qui semble avoir pour but que les femmes dominent les hommes. Non, moi je parle du féminisme de tous les jours, dans tous les actes de notre vie où nous les filles (j’ai du mal à me considérer comme une « femme », je suis encore jeune, je suis encore une fille 😉 ) nous devons prouver que nous pouvons tout faire, que nous ne sommes pas ces clichés sans cesse balancés vers nous par la publicité, les films, la « sagesse populaire ». Ce féminisme qui n’a qu’un but, que les filles puissent occuper dans le monde la place qu’elles veulent, que ce soit charpentière, danseuse étoile, footballeuse ou voyageuse, et ce sans craindre pour leur sécurité. Ce féminisme de tous les jours qui va, je l’espère, faire évoluer les mentalités et faire surtout que les prochaines ne s’entendront pas dire : « c’est dangereux pour une fille ».

Pourquoi je vous parle de ça dans une interview sur mon voyage ? Parce qu’avant le départ, j’ai entendu de tout : « c’est dangereux, tu es une fille, n’y va pas ! », « tu n’y arriveras pas », « tu sais qu’il faudra porter ton sac ? ». J’avoue que c’est le « tu n’y arriveras jamais » qui m’a surtout motivé dans les moments de découragement. Donc, pour conclure rapidement cette histoire de « féminisme par les actes » et d’entêtement, j’ai voulu le faire pour prouver à tout le monde qu’ils avaient tort et pour rendre le terrain plus sûr pour les suivantes.

La seule personne qui m’a soutenue à fond tout du long, sans jamais émettre un doute quelconque et sans jamais me dire qu’il s’inquiétait est mon amoureux. Ça a été le seul à être sincèrement content pour moi que je m’engage dans ce voyage, et ça a aussi été une raison de mon départ  (très secondaire, mais elle a un peu compté quand même) : ne pas le décevoir, et le rendre fier de sa meuf.

Enfin, la dernière raison qui m’a poussée à faire ça, c’est que j’ai toujours aimé le voyage, dans tout ce que ça implique : découvrir de nouveaux endroits, mais aussi des gens différents, des modes de vie différents, des odeurs, des goûts différents. Ça à l’air dur à croire, vu que je suis restée en France, et dans le Sud-Ouest en plus, mais j’ai vraiment vu que de nos jours encore, il y a tellement de manière de vivre différentes dans notre pays ! J’avais envie de rencontrer des gens, de discuter, d’échanger. Je trouve qu’en ce moment, on se méfie de plus en plus les uns des autres et je trouve ça dommage, car la peur ne débouche jamais sur de l’amitié, de l’échange. J’ai en tête cette phrase d’un auteur que j’adore et qui s’appelle Julien Blanc-Gras (il a un nom pourri ok, mais il écrit très très bien, quasiment uniquement sur le voyage. Je vous conseille le bouquin Touriste qu’il a écrit) (la fameuse phrase donc, qui n’est pas forcément exacte au mot près mais l’idée est là) : « je me suis rendu compte d’une chose après toutes ces années à voyager, c’est que 99% des gens sur Terre sont de bonnes personnes ». Donc en gros, je voulais sortir de ma zone de confort, aller à la rencontre des gens même si j’avais la trouille. Et au final, je me suis vraiment rendu compte qu’il n’y avait pas de raison d’avoir peur.

Pourquoi avoir choisi de faire cette randonnée seule ?

marcher seulComme je l’ai dit, l’année écoulée a été rude. J’avais besoin de décompresser à mon rythme. Être seule, c’est génial, tu fais ce que tu veux, quand tu veux, sans pression. Si tu n’as pas envie de manger à midi, tu ne le fais pas, si tu veux marcher seulement 6 km parce que tu as la flemme aujourd’hui, tu le fais et tu vas te baigner dans l’océan. Et c’est tout. Être seule, c’est une liberté fabuleuse de vivre vraiment à son propre rythme. Et surtout (et c’est un luxe à notre époque), être seule permet d’avoir du silence. Tu n’es pas obligé de parler, de faire la conversation le soir… C’est très relaxant. Et les moments où tu as vraiment envie de partager, c’est là que tu dégaines ton téléphone et que tu appelles des gens (amis/famille/amoureux…)

Ensuite, parce que (et beaucoup d’auteurs le disent) la marche c’est très philosophique. C’est un moyen d’être plongé dans tes pensée entre 5 et 7 heures par jour. Ça permet de faire le point sur un sacré paquet de truc et si tu n’es pas seul, tu ne peux pas y arriver. Moi j’avais besoin de penser.

Enfin, (et là c’est mon égo bien trop grand qui parle, mais je suis honnête), je suis aussi partie seule pour que ce soit mon « exploit », et pas « le nôtre ». Je n’avais pas envie que l’on puisse minimiser. Oui j’ai parcouru 700 km à pied. Non, personne n’a porté mon sac. Je ne voulais pas partager ça. C’était mon projet depuis le début et je voulais le mener à bien seule.

As-tu déjà beaucoup voyagé par le passé ?

Je ne sais pas ce que « beaucoup » veut dire, mais j’imagine que selon les critères de tout le monde, j’ai plus bougé que la moyenne des personnes de mon âge (je viens d’avoir 26 ans). J’ai foulé les sols de l’Algérie, de la Chine, du Togo, de la Slovénie, de l’Espagne, du Portugal, de l’Italie, de la Grande Bretagne, de l’Allemagne et de la Pologne. Chaque voyage a été différent et m’a montré ce que j’aimais ou n’aimais pas faire lorsque je pars (par exemple, le all inclusive, très peu pour moi, merci) (alors que loger chez l’habitant oui). Pour la plupart, j’ai rédigé de petits récits de voyages qui font marrer mes amis et ma famille à qui je les envoie (je les axe beaucoup sur mes mésaventures liées aux différences de mode de vie). Ceux qui ont eu le plus de succès sont ceux sur la Chine, la Slovénie et le Togo. Plusieurs années après, on m’en parle encore. Ma mère les faisait même lire à ses amis (que ça faisait marrer aussi apparemment). C’est comme ça que je suis devenue célèbre dans un petit village des Landes ;).

=> Lire la deuxième partie

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