II – Pendant la randonnée solitaire
Le premier jour d’un voyage comme celui-ci, comment on se sent ?
Honnêtement, le matin du départ on se sent tout puissant. Vraiment. Le monde t’appartient, ton rythme de marche est démoniaque, ton corps produit tellement de substances chimiques qu’on pourrait d’arrêter pour dopage. Tu planes tellement tu es heureux et tellement tu en fais baver à ton corps sans t’en rendre compte. Tu ne manges pas le midi (l’effort coupe l’appétit) et tout va bien. C’est le soir que ça se gâte. A partir du moment où tu t’es arrêté, tu as MAL. Aux pieds, aux mollets, aux cuisses, aux hanches, aux épaules… Personnellement, je marchais comme ces petites vieilles qu’on voit pliées en deux dans la rue. Je ne pouvais presque plus bouger les jambes, et j’avais aux orteils les plus grosses ampoules que j’avais jamais vues ! J’étais fière de moi (j’avais parcouru 25km à pied avec mon sac !), mais honnêtement, la seule chose qui m’a poussé à continuer c’est mon égo gigantesque qui ne s’en serait pas relevé si j’avais fait demi-tour après avoir annoncé à tout le monde que je partais (dans ma tête j’entendais la voix du mec qui m’avais dit « tu n’y arriveras pas »). J’étais littéralement épuisée comme je ne l’avais jamais été.
En plus, c’est hyper décourageant : tu as marché toute la journée et tu as l’impression d’être très loin mais en fait, tu n’es qu’à 25 km de chez tes parents et ils seraient là en ¼ d’heure si tu les appelais. Tu te sent un peu comme quand tu campes dans ton jardin. T’as l’impression d’être un aventurier mais en fait, tu n’es qu’à cinq mètres de la porte d’entrée et tu peux aller chercher une couverture supplémentaire si t’en as envie. Cette impression ne s’est estompée qu’au bout de 5 jours, quand je me suis rendu compte que ça y était, j’avais passé la barre des 100 kilomètres !
Mon conseil, c’est de ne pas faire comme moi : partir sans aucune préparation physique. Parce que certes, marcher seul c’est philosophique, mais la première semaine, c’est avant tout bassement physique ! Ton corps te hurle qu’il est là, qu’il existe et qu’il n’en peux plus (et qu’il te déteste). Tu as les hanches écorchées car les sangles du sac à dos frottent dessus pendant 7 heures par jour. Tu as d’énormes ampoules, et quand tu marches des fois tu les sens se crever et ça pique à mort. Tu souffres des genoux/chevilles car ton sac est trop lourd et que les articulations n’étaient pas prêtes pour ça… Je rentre dans les détails, ce n’est pas glamour, mais ça, c’est la réalité des premiers jours de marche.
Il faut savoir que le physique prend le pas sur le mental. Tant que tes pieds ne vont pas bien, tu ne peux pas être heureux, tu doutes, tu te demandes pourquoi tu es parti… En plus, moi j’avais en tête toutes les choses horribles qu’on m’avait dites ou que j’avais lues sur les ampoules, comment ça pouvait s’infecter, comment ça pouvait gangrener, ton orteil devenir noir et tomber, etc. Miam… Donc, les premiers jours, il faut s’accrocher à son slip et serrer les dents comme une guerrière (ou un guerrier pour les garçons). Mais vers le cinquième jour, il se produit un truc magique. Tu te réveilles un matin et tu n’as plus mal nulle part. Tu te sens léger et tu te rends compte que ça y est, ton corps est habitué. Et c’est là que tu commences vraiment à t’éclater, à profiter du paysage, à voir des biches quand tu marches le matin ou des écureuils qui se disputent…
Et au bout d’un mois de marche en solitaire ?
« T’as d’belles jambes Bridget. T’as des jambes de randonneuse. ». (ma phrase préférée du film Bridget Jones).
Au bout d’un mois, clairement, t’es vachement plus musclée. Au niveau des jambes surtout, mais aussi du dos, des abdos et des biceps (bah oui, il faut bien le porter le sac !). Tu avales les kilomètres et tu arrives plus tôt à l’étape. Tu fais plus attention à ce qui se passe autour de toi. Mais moi, j’ai commencé à avoir hâte d’arriver environ 10 jours avant ma date d’entrée prévue dans Limoges. Le confort commençait à me manquer, l’envie de me poser se faisait plus forte, j’étais très fatiguée… Car mine de rien, même si tu es à l’aise avec ton sac, que tu ne le trouves pas trop lourd ni rien, deux ou trois semaines de voyage à pied, ça fatigue. Pas quelque chose qui se rattrape en une nuit, mais une bonne grosse fatigue. C’était temps de rentrer. Et c’était bon signe, parce que ça me montrait que j’avais atteint mon but, moi qui ne supportais plus d’être chez moi, j’avais envie de rentrer.
Comment se passaient tes journées toute seule ? Quelle organisation avais-tu ?
Je ne suis pas quelqu’un de très organisé, mais j’ai noté plus ou moins une « grille » de ce qui se passait dans ma journée. Déjà, quand tu dors sous la tente, tu peux difficilement décoller en moins de deux heures le lendemain matin. Si tu dors en intérieur, tu peux être partie une heure après le lever. Donc en gros :
- Lever à 6h30/7h.
- petit déjeuner pendant que la tente sèche,
- pliage de tente,
- faire le sac
- marcher jusqu’à l’étape du soir (entre 5 et 7 heures de marche par jour),
- arrivée en début d’après-midi dans le bled suivant,
- recherche d’un endroit où dormir
- achats divers (cartes postales, bouffe transportable, pharmacie….)
- montage de tente/installation dans un refuge pour pèlerin (j’ai pas mal suivi le chemin de Compostelle) ou chez les gens
- lessive, douche, repos, écriture
- dîner vers 19h
- au lit vers 20h/20h30 (oui comme les mémés, mais les mémés ne marchent pas avec 15 kilos sur le dos).
Tu es partie seule, as-tu fais beaucoup de rencontres sur le chemin ?
Oh oui ! Des tonnes ! Des très bonnes dans leur grande majorité. C’est surtout pour ça que j’étais partie ! J’ai rencontré des gens très généreux qui m’ont ouvert leur porte alors que je n’avais rien demandé, et d’autres qui marchaient comme moi et qu’il a été bon de croiser pour un soir, avec qui ça a été chouette de discuter. J’ai rencontré des allemands, des belges, des néerlandais, des suisses, des français bien sûr, des espagnols… C’est ce qui est génial en voyage, tu croises des routes que tu n’aurais jamais rencontré autrement. Par exemple, l’une de mes rencontres les plus marquantes : Chantal. Une petite mémé qui a couru vers moi habillée d’un pull vert menthe en moumoute, d’un jogging « peau de pêche » saumon et maquillée d’un trait d’eye liner vert pétard avec les cheveux tout ébouriffés.
Et vous savez ce qu’elle faisait dans la vie ?
« Je corrige les jeunes gens. Parce que, de nos jours, à toutes les phrases, y’a un mot pas très joli qui sort, hein ? Alors moi je transmets notre belle langue ».
Elle m’a demandé où j’allais et a décidé qu’il fallait que ce soit elle qui m’y amène. Ce jour-là, mon genou me faisait très mal et sa proposition a été bienvenue. Mais je n’avais rien demandé, j’étais assise sur un banc et je mangeais des biscuits. On a beaucoup parlé et c’est sans doute la rencontre la plus marquante que j’ai faite. Elle m’a dit « quand on peut aider, il faut le faire. Vous aviez besoin d’aide, et je pouvais aider ». Et le lendemain, vous savez quoi ? Mon genou allait mieux, ce qui n’aurait sans doute pas été le cas si j’avais dû marcher toute l’étape. Bref, en voyage on fait des rencontres merveilleuses et inattendues.
Généralement, c’étaient les gens qui venaient me parler d’eux-mêmes, attirés par le gros sac et le bâton de marche (une branche de pin trouvée dans la forêt des Landes). Souvent ils étaient impressionnés, ils m’encourageaient, me donnait des tuyaux pour le prochain bled (où trouver à manger, où dormir…). Mais beaucoup de remarques revenaient en boucle et notamment le fameux :
« c’est pas dangereux pour une jolie jeune fille comme vous ? ».
Ce à quoi je répondais systématiquement :
« Non ça ne l’est pas pourquoi ? Si j’étais moche ce serait moins dangereux ?».
Ça faisait rire les gens.
Saurais-tu nous dire quel a été ton meilleur moment ?
Oh la la ! Je ne saurais pas choisir, mais je peux vous en citer quelques uns :
Le premier soir, quand je suis arrivée exténuée au camping et qu’il était juste à côté de la plage. J’ai planté ma tente et je suis allée me jeter dans l’océan. J’avais marché toute la journée par plus de 30°C et la fraîcheur et les vagues qui me massaient, c’était un moment parfait.
L’arrivée à Limoges est en très bonne place aussi. Ce sentiment d’avoir réussi, d’avoir fini et d’avoir fait ce qu’il fallait, ça vaut toutes les ampoules du monde ! Et puis j’étais fière de moi avec ça !
Chez Gilles et Estelle. C’est un couple qui tient une épicerie bio dans un village que j’ai traversé. Je venais d’avoir un coup dur (un plan pour dormir s’était révélé être une chambre d’hôtes à 125€ la nuit) et j’étais rentrée chez eux par hasard. Et là, Estelle m’a accueilli comme si j’étais une amie. Elle m’a fait poser mon sac, m’a offert une tisane, des fruits, et m’a proposé en toute simplicité de dormir chez eux. Là encore, je n’avais rien demandé. Ça a été une super soirée : la discussion ne s’est pas arrêté du repas, on avait plein de trucs à se dire… Le lendemain, on a eu du mal à se dire au revoir !
Y a t-il eu des moments plus difficiles ?
Oui, quelques-uns. Le dimanche de manière général était un jour où je n’aimais pas du tout marcher. D’abord tout est fermé et puis, je ne sais pas. Le dimanche ça n’allait pas, point. 😉
Il y a aussi les moments où tu marches, où tu arrives à l’étape que tu as prévu et où tu te rends compte que tu t’es trompé de bled et que dans celui-là, il n’y a rien. Et que tu dois faire encore 10 kilomètres. Là psychologiquement, c’est dur et physiquement aussi.
Randonner seule, comme voyager seule peut paraître plus difficile, comment as-tu géré la solitude ?
Oui aussi. Tu vis plein de trucs, et tu as envie de les partager. Mais certains jours, tu ne vois personne, et personne à l’étape non plus. Du coup tu ne peux pas raconter autant que tu voudrais. Ou encore quand tu as un coup de mou (et ça arrive ! Moi généralement c’était le soir vers 17h30) tu n’as personne pour te rebooster. Mais la solitude se gère bien avec un portable et les réseaux sociaux. Rester informée de ce qui se passait dans mon groupe d’amis m’a permis de ne pas me sentir isolée. De la même manière, poster tous les jours sur Facebook ou Instagram (@mademoiselle_bambelle) me permettais de ne pas être frustrée de ne partager tous ces moments avec personne.
Et puis surtout, voyager seule c’est une super manière de rencontrer des gens : tu es obligé de t’ouvrir et les ils viennent vers toi naturellement. Les premiers jours, j’étais un peu repliée sur moi-même, sur mes douleurs physiques. Quand elles ont disparu, j’ai vraiment eu l’impression de m’ouvrir, d’avoir un mur qui disparaissait entre le monde et moi. Et c’est là que tu souris, que tu engages la conversation… la nature a horreur du vide, et si vous partez seul, vous ne le resterez pas longtemps !
Super article, très vivant. J’aime l’idée que Marie a fait ça pour elle, c’est important de savoir ce dont on a besoin et d’oser les réaliser.
J’aimerais tenter l’expérience de partir et d’être confrontée à moi-même; on pense souvent à un tour du monde ou à l’étranger mais faire cela en France est une super idée ! Plus facilement accessible.
Sujet qui mérite réflexion 🙂
Merci à Marie d’avoir partagé son histoire avec nous et à toi, Laure, de l’avoir rédigé !
Je suis un homme et comme toi je me rend conte de mes choix de vie et que je me suis complètement gouré alors une idée me vient de partir me chercher et dieu je veut aller à lord voir Marie je sais à une mosaïste saison en début d hiver le chemin seras dur et froid mes comme toi je veut le faire et me le prouver love m’y friands
Je voulais dire une movaise saison et aller lourde et je fière de voir encore des femmes comme toi je suis comme toi le même le même esprit courage et arrête pas tes voyage
Superbe retour d’expérience ! Je serais curieuse de savoir où l’avant-dernière photo a été prise (avec l’église et les fleurs), je la trouve superbe…
Salut Aurélie !
Merci de ton retour 🙂
Pour la photo il me semble qu’elle a été prise à Limoges mais je n’en suis pas sure^^ faudrais demander à Marie haha
Merci pour ces conseils et ce joli récit sympa mais aussi émouvant pour une fille comme moi qui prépare aussi une rando d’un mois. Nous avons les mêmes aspirations : le besoin d’être seule et de se prouver qu’on peut le faire !
J’espère que tu apprécieras cette randonnée, il n’y a pas de raisons 🙂 tu t’apprêtes à vivre de très fortes émotions, fais bon voyage !
Émouvant. Ce récit m’a fait revivre les longues randonnées que j’ai ainsi faites en solitaire et avec ma tente (dont le groupe de Clermont à Royan avec ce bain de larmes lorsque j’ai atteint l’océan à Marennes).
Tout y est ou presque : l’euphorie, le doute, les douleurs, la recherche du lieu de campement et des commerces…
C’est bien comme ça que j’ai aussi vécu les choses et que je me prépare à les vivre encore ( Clermont- Guingamp – Mt Saint Michel à partir de fin mars…).
J’aimerais bien avoir parfois des nouvelles…
Nb : récit de ma rando de l’an passé en cours (Clermont – Fisterra).
Ne lâchee rien.
Hello ! Pourquoi n’as-tu pas écrit un livre/récit ?!
Bonsoir, je voulais juste savoir pourquoi tu n’as pas écrit de livre sur ton expérience e, je crois que beaucoup auraient aimé celà !
Bonjour
Étant bordélique également combien a pu vous coûter le voyage ? (En grossomodo).
Comment l’as tu organiser (avec un guide ou autre )
Voulant faire la même chose (sur une autre ville) je ne peux compter sur Google Maps
En vous remerciant
bonjour ! merci pour votre partage. Je n’ai jamais aimer les longs voyages surtout à pied comme les randonnées mais avec le confinement j’ai changé d’avis et j’aspire plus a être connecté avec la nature. Avant j’aurais réservez sur airbnb balti booking et je serais parti en voiture sans vraiment profiter du paysage et de la route mais mon fils m’a convertit à une manière plus saine de voyager. Malheureusement à cause de la situation je n’ai pas encore tenter l’expérience d’un voyage à pied ou une petite randonnée mais vous me donner vraiment l’envie de le faire.nonne continuation.
Cdt
Bonjour. Je m’appelle Panou Etienne. Je suis rédacteur web SEO, concepteur de boutiques e-commerce; un transcripteur et graphiste. Je suis tombé sur votre blog, en parcourant des sites, afin de savoir comment designer une boutique de ventes d’articles pour un client. Sincèrement j’ai apprécié la qualité du travail qui est fait. Je ne peux m’empêcher de vous écrire, pour pouvoir vous proposer mes services, de rédacteur, pour vos prochains articles sur le site. J’aimerais sincèrement collaborer avec vous dans ce sens. Vous serez très satisfaits par la qualité de mes rédactions. Merci